Concours du Meilleur Ouvrier de France

Lundi 26 septembre, le lycée Florian a accueilli une partie des demi-finales du concours du meilleur ouvrier de France (MOF), l’autre demi-finale se déroulant à l’IFMP de Nanterre. Une occasion en or pour notre établissement de découvrir l’exigence professionnelle attendue dans ce type de concours et d’en apprendre plus encore sur les métiers de la coiffure à travers l’interview de Monsieur Denis Wittmer, président du 27ème concours des MOF en coiffure.


Monsieur Wittmer, vous présidez cette 27ème édition du MOF Coiffure, qui êtes-vous pour honorer ce poste ?

Je suis un modeste coiffeur qui tient un salon de coiffure à Mulhouse, j’ai reçu la médaille du meilleur ouvrier de France en 1991 quand j’avais 25 ans. J’ai suivi un cursus de formation très traditionnel : le CAP dans un premier temps, le Brevet Professionnel ensuite puis j’ai terminé ma formation par un Brevet de Maîtrise. J’exerce en Alsace et parallèlement je suis formateur à la chambre des métiers France. J’ai été nommé président en 2017 de la classe coiffure du MOF.

En quoi consiste ce concours ?

Ce concours est très ancien. 1913 pour être exact.
« À l’origine de l’histoire des Meilleurs Ouvriers de France, se trouve un homme remarquable, Lucien Klotz (1876-1946), critique d’Art et journaliste, qui est le véritable promoteur de « l’idée M.O.F. »
Sensible à la crise de l’apprentissage qui s’annonçait grave pour l’Artisanat, L’Industrie et les métiers d’Art, Lucien Klotz élabora dès 1913 l’idée d’une grande Exposition Nationale du Travail à laquelle pourraient prendre part – sous réserve d’admission par un jury dûment désigné – tous les travailleurs désireux d’affronter le jugement des compétences et celui du grand public. » (Source : https://www.meilleursouvriersdefrance.info/concours-mof.html)

Le concours est ouvert à toute personne âgée d’au moins 23 ans. Aucun diplôme n’est nécessaire ! Il a lieu tous les 3 ou 4 ans. Une première qualification nationale est effectuée (environ une centaine de candidats) mais l’écrémage est naturel. Puis ce sont les demi-finales et fin du premier semestre 2023 aura lieu la finale avec 15 à 20 participants. Cette finale se tiendra à Paris mais le lieu n‘est pas encore connu. Aujourd’hui ils sont une douzaine à Sceaux et autant à Nanterre. En 2018 il y a eu 21 finalistes. Il peut y avoir un ou plusieurs gagnants ou parfois, c’est arrivé, aucun gagnant car le niveau n’est pas suffisant. Certains le passent plusieurs fois pour l’obtenir, d’autres non. L’échec n’est pas rédhibitoire. Les exigences sont plus proches d’un examen que d’un concours. Aujourd’hui, pour les demi-finales ont eu lieu quatre épreuves :
– coupe homme
– montage technique et artistique
– coiffure crantée modernisée
– Coloration coupe brushing tendance
Nous y avons vu de très belles prestations, notamment sur la dernière épreuve.

Comment se fait-il que souvent, le médaillé de coiffure est un homme alors que c’est un métier très féminisé ? Nos classes de coiffure au lycée Florian sont constituées essentiellement d’élèves filles.

Il est vrai que la question du genre dans la profession est essentielle. Le métier est effectivement très féminisé mais savez-vous que la « durée de vie professionnelle » d’une femme en coiffure est en moyenne de 7 ans alors que celle d’un homme est de 40 ans ? Et il n’y a que peu de variations sur ces statistiques depuis de nombreuses années… Il existe une certaine pénibilité au travail (station debout permanente) certes mais aussi des horaires peu compatibles avec une vie de famille (travail tard et samedi travaillé). La maternité peut freiner les carrières. Les hommes quittent rarement le métier là où les femmes y arrivent par reconversion ou le quitte pour des raisons physiques ou familiales. J’aurais tendance à dire qu’un homme s’engage dans cette profession après mûre réflexion là où une femme prendrait cette décision plus comme une étape.

Quelles qualités sont indispensables au métier de la coiffure ?

La coiffure nécessite une double casquette. J’ai l’habitude de prendre comme image les deux métiers suivants : le cuisinier et le serveur, ce sont des métiers totalement différents qui ne demandent pas les mêmes compétences. Or, le coiffeur ou la coiffeuse doit réunir toutes ces qualités : le talent de la création ET le contact humain. Cela nécessite une bonne culture physique, esthétique, générale mais aussi de l’écoute, de l’adaptation à tous les publics que l’on coiffe. Il est hors de question de couper une frange à quelqu’un qui déteste son front (même si votre expertise en visagisme vous demanderait de le faire !)  et pour cela un minimum de psychologie est nécessaire. Psychologie qui ne s’acquiert qu’au fil des années. La créativité donc, l’amour du travail bien fait et l’adaptation sont indispensables à ce métier.

Quel est l’état de la profession aujourd’hui en France ?

La profession fonctionne à flux tendu en termes de personnel. Nous manquons cruellement de jeunes. Même si les CFA (Centre de formation des Apprentis) se remplissent, les jeunes sont trop jeunes pour travailler en alternance. Est-on prêt à 17 ans pour travailler en salon ? Je ne suis pas pour le tout alternant dans cette profession. Les élèves doivent avoir des savoirs techniques certes mais pas seulement, il faut aussi un bon socle de connaissances en gestion pour pouvoir ouvrir un salon. Il faut aussi être mûr psychologiquement pour la clientèle. Être alternant à 15 ans n’est pas la solution.
De plus, la nouvelle génération a tendance à se tourner vers l’auto-entreprenariat en créant des AE à domicile. Ils travaillent seuls et ne veulent plus subir les contraintes du salariat comme les horaires ou les charges d’un salon. Dès lors, ils n’embauchent personne et n’ont plus d’ambition d’expansion. Par conséquent, il existe aussi un problème de transmission du métier. La transmission de ce métier est en danger ! C’est une des problématiques inquiétante que l’on va rencontrer très rapidement si ce n’est déjà le cas.

Merci Monsieur Wittmer pour votre éclairage sur ce beau métier qu’est la coiffure. Une dernière question : quel est le patron de la profession ?

Et bien d’après la légende, il s’agit de Saint Louis ! car il aurait demandé à chacun de ses ministres de donner une mèche de leurs cheveux pour confectionner une perruque pour sa mère Blanche de Castille.

           https://www.youtube.com/watch?v=C0CEaviNbus

Merci à vous pour ce bel accueil que vous nous avez réservé aujourd’hui au lycée Florian.

Interview réalisée le 26 septembre 2022 par Mh Durantet